« Je fais la queue, je suis heureux ! »
« Je fais la queue, je suis heureux », c’est avec un tel slogan que Pékin a accueilli sa deuxième « journée…de la queue ». En effet, depuis le mois dernier, chaque 11 du mois (11 comme deux personne alignées, malin non !) devient la «journée de la queue». Dans une Chine d’1,3 milliards d’habitants, difficile de ne pas faire la queue. On la fait pour tout et plus que partout ailleurs. Et il faut bien dire que la queue ou bien plutôt la « non-queue » est en Chine une véritable institution. Héritage d’une époque où tout manquait et où on devait lutter pour chaque chose, c’est encore à qui doublera le mieux son voisin, en toute indifférence, et sans que personne n’y voit quelque chose à redire. Et vos regards noirs n’y changeront rien. Alors on devient pire que les autres, on double et on pousse. D’ailleurs il a été assez difficile au Japon de respecter les si harmonieuses files d’attentes, mes pulsions chinoises m’incitant à doubler tout le monde sous le regard médusé des Japonais rangés bien sagement les uns derrière les autres.
Hier donc, une armée de retraités volontaires en uniforme bleu et brassard rouge a déferlé sur la ville avec pour mission de faire respecter le slogan « Faire la queue est civilisé, être poli est magnifique» à tous les arrêts de bus. Et impossible d’échapper aux messages « 我排队,我快乐 » (« je fais la queue, je suis heureux ») répétés à satiété toutes les 5 minutes par chaque radio.
Cette « journée de la queue » participe de la grande entreprise de « civilisation des pékinois» pré-Jeux Olympiques pour accoutumer ses habitants à la politesse occidentale. Vaste entreprise tant les « amis étrangers » sont plutôt surpris par les mœurs pékinoises : crachats sonores (autre institution de Chine du Nord, âmes sensibles s’abstenir car le crachat est un art dont le Pékinois maîtrise toutes les subtilités, du raclage méthodique jusqu’à l’expectoration rapide et précise), rudesse des chauffeurs de taxi, tabagie active à la Honghe (la pire cigarette au monde à côté de laquelle la gitane maïs fait pale figure dans le pays le plus accro au monde : 300 millions de fumeurs), anglais approximatif… Pékin devra être en 2008 une capitale modèle peuplée de parfaits citoyens. Et comme nous sommes en Chine on éduque les gens à grand renfort de campagnes publiques et de bannières rouges (celle en bas de chez moi nous invite à être bien élevés, à aimer les Jeux Olympiques et à ne pas laisser nos amis les bêtes faire leurs besoins partout). De fait, pas un quartier ou un arrêt de bus à Pékin sans propagande : «Je représente la Chine auprès des étrangers», «Je participe aux JO, c'est un honneur». A mon humble avis il y a encore du boulot et hier soir à 18h, les volontaires de la queue avaient à peine disparu que les arrêts de bus pékinois retrouvaient déjà leur chaos habituel ! Les Jeux Olympiques approchent et pas encore de résultats véritablement probants. La prochaine étape : la journée « je ne crache pas, je suis sympa ! » ?