Ao ba ma ?

Publié le par Xiao Zhu

A quoi ressemble une élection présidentielle américaine vue de Chine ?

J’avais en 2007 raconté la façon dont nous avions vécu à Pékin la dernière élection présidentielle française et le moins qu’on puisse dire c’est que celle-ci n’avait pas franchement enthousiasmé les foules (d’ailleurs beaucoup de chauffeurs de taxi vous parleront encore de Chirac président). Mais hier c’était différent. Hier il ne s’agissait pas d’un vague Etat de la vieille Europe, dont on ne sait plus très bien si les habitants y parlent l’anglais ou autre chose, hier il s’agissait des Etats-Unis. Et là impossible de rester indifférent lorsque c’est la première puissance mondiale qui décide de son sort et de celui du monde pour les quatre années à venir.

En ces premiers jours de novembre nous étions ici loin de l’hystérie collective engendrée par ces élections en France (où on avait presque l’impression que les Français allaient eux aussi mettre leur bulletin dans l’urne). Et pourtant le pays le plus peuplé du monde doit bien avoir quelque chose à nous dire de cette élection. De la presse à la classe politique, de la blogosphère à la machine à café (ou à thé) qu’en pensent les Chinois ? 

 

La première approche est celle, toujours pragmatique, des dirigeants et de la sphère politique chinoise. La règle ici est que l’on préfère toujours un ennemi connu à un ami inconnu. Avec Bush et l’administration républicaine on avait appris à composer. Or l’arrivée au pouvoir de l’opposition démocrate entraînera immanquablement des changements en politique extérieure. De fait l’AFP constatait il y a quelques semaines qu’"à chaque fois qu'il y a[vait] eu un changement d'administration, il y a[avait] une période de friction entre la Chine et les Etats-Unis qui dur[ait] à peu près deux ans avant que la relation bilatérale ne retrouve son rythme normal". Et même si les positions de Mac Cain et d’Obama ne différaient pas si fondamentalement en matière de politique chinoise (avec pour les deux la réévaluation du yuan ou Taiwan en ligne de mire), ce que redoute Pékin c’est surtout que les supposés réflexes protectionnistes du nouveau président démocrate ne menacent les intérêts économiques de la Chine. On craint également, mais dans une moindre mesure, qu’il ne s’intéresse d’un peu trop près aux droits de l’Homme et à la question du Tibet. Avec Obama la Chine devra donc se mouvoir en terrain (presque) inconnu.


Deuxième approche, deuxième vision des choses, celle du Chinois lambda, du chauffeur de taxi aux jeunes internautes (qui forment à eux seuls un nouvel Etat dans l’Etat avec ses règles et ses héros). Ce même Chinois moyen (après "Joe le plombier", voici "Wang le chauffeur de Xiali" - marque des vieux taxis pékinois) qui vitupérait la France il y a quelques mois, s’est soudain pris de passion pour Obama ou Ao ba ma 奥巴马 en chinois (55% pour Obama contre 16% pour Mac Cain selon un sondage internet chinois), candidat des minorités et donc porteur d’espoir pour tous les lointains cousins immigrés ou les futurs candidats à l’American Dream. Et on se prend à rêver qu’un jour l’Amérique sera gouvernée par un président américain d’origine chinoise (à défaut d’élire son propre président, on peut toujours fantasmer sur les élus des autres).


A l’annonce des résultats pas d’émotion toutefois. Il était midi heure de Pékin. Dans certains bars de la ville étaient organisés des rassemblements de la communauté américaine mais au travail indifférence totale. « Ca y est, c’est Obama ! » : mes collègues ne me prêtent pas la moindre attention. « C’est quoi Aoviama » ? Je tombe des nues… Ah oui quand même. Alors j’explique les démocrates, les républicains, la doctrine Bush. Petit cours de politique américaine express (et assez réducteur j’en conviens). Malgré le supposé engouement pro-Obama de la blogosphère, je constate avec mes collègues que les élections américaines sont quand même bien loin du quotidien pékinois et que la politique en général n’est décidément pas le fort de la jeunesse chinoise. Mais après tout qui leur reprocherait de ne pas s’intéresser à quelque chose sur lequel ils n’ont aucun pouvoir et pour lequel on ne leur demande jamais leur avis. L’émotion et la fierté que suscite chez nous (chez moi en tout cas) le fait de voter, l’euphorie (et l'hystérie) collective du processus démocratique, l’angoisse des résultats, le visage qui apparaît sur les écrans de télévision, la joie ou la déception, l’espoir que sa voix et on vote changera les choses…tout cela semble ici bien loin, très loin et pour longtemps.


 "En avant"...

Publié dans Chroniques chinoises

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M
Bonjour Julie,je reprends ma lecture.  Merci de me redonner ton mel, j'ai eu des soucis informatiques et j'ai perdu bcp d'info.A très bientôtMyriam
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